15 décembre, 2006

LES RÉACTIONS À LA MORT DE PINOCHET

En France :


Philippe Douste-Blazy, ministre des Affaires étrangères: "La France regrette qu'il soit mort sans avoir rendu compte de ses actes devant la justice." "D'autres procédures judiciaires, visant des responsables de la dictature militaire qu'a connue le Chili, restent engagées". "La France espère que leur aboutissement permettra de concourir à la manifestation de la vérité". "Avec la disparition d'Augusto Pinochet, c'est une page particulièrement sombre de l'histoire du Chili qui se tourne définitivement." Nous avons une pensée émue pour les victimes du régime d'Augusto Pinochet, leurs familles et leurs proches". (Paris, lundi 11 décembre)

Dominique de Villepin, Premier ministre : "C'est une page tragique de l'histoire du Chili qui se tourne". "Ce qu'on peut regretter, c'est qu'il n'y ait pas de jugement pouvant permettre à tous ceux qui ont souffert le martyre sous Pinochet de faire leur deuil". "Je suis heureux de voir qu'aujourd'hui c'est une autre image du Chili qui est donnée". Comme on lui faisait remarquer que la justice internationale avait "encore du chemin à faire", le chef du gouvernement a répondu : "C'est vrai mais nous partions d'encore plus loin. Partout où les choses bougent, il faut s'en féliciter". (France Inter, lundi 11 décembre)

François Hollande, premier secrétaire du PS : "Augusto Pinochet est mort sans avoir été jugé (mais) le déshonneur public peut lui être néanmoins accordé". "Ce qui aurait dû être décidé, c'est le déshonneur civil et militaire". "Qu'un dictateur ait pu décider du massacre de milliers de Chiliens, de l'exil de près d'un million de sa population, cela mérite de la part des Chiliens la condamnation la plus ferme de cette période". (Europe 1, lundi 11 décembre)


Marie-George Buffet, secrétaire nationale du PCF : "Il meurt mais impuni alors que ça a été un des dictateurs les plus sanguinaires que nous avons connus en Amérique latine". "C'est 73, c'est la mort du président (Salvador) Allende. Et puis c'est les tortures, c'est le Stade (national) où on enferme tous les progressistes". "Aujourd'hui, l'Amérique latine avec cette irruption progressiste dans plusieurs gouvernements avec Chavez, avec Morales, avec le gouvernement de gauche au Chili, c'est peut-être une belle vengeance de l'histoire face à ce qu'on a connu comme dictatures dans ce continent". (France-Info, lundi 11 décembre)


Jack Lang, conseiller spécial de Ségolène Royal, PS : "Le nom de Pinochet restera indissolublement lié aux heures les plus noires du fascisme latino-américain et aux pires forfaits de l'impérialisme américain. Sa mort interdira malheureusement que justice soit pleinement rendue au peuple chilien qui a été si durement opprimé, humilié, violenté, torturé, volé. Quel contraste avec la haute figure de Salvador Allende, libérateur du Chili, sauvagement destitué par les hordes de Pinochet". (Déclarations, dimanche 10 décembre)

Bruno Gollnisch, numéro deux du Front National : "Quoi que l'on en dise, le général Pinochet restera dans l'histoire comme celui qui, mandaté par la majorité du parlement chilien et par le tribunal constitutionnel de son pays, a sauvé du communisme, non seulement le Chili, mais sans doute toute l'Amérique latine. Il est aussi celui qui, après avoir restauré l'ordre, a remis le pouvoir aux civils. C'est tout cela que ne lui pardonneront pas les marxistes et leurs alliés objectifs dans cette partie du monde comme dans la nôtre". (Déclarations, dimanche 10 décembre)

Maître Sophie Thonon, qui défend des familles de disparus français sous la dictature chilienne : "Ma réaction est celle d'une frustration", "car il semblait aller mieux et (...) je m'étais dit qu'il pouvait encore vivre quelques mois voire quelques années", le temps d'être jugé.
Mais "c'est aussi un très grand sentiment de colère contre cette justice française, chilienne, et celles d'autres pays qui n'ont pas pris la mesure du temps et jugé Pinochet avant son décès".
"La colère des familles est là depuis longtemps, maintenant elle s'exprimera avec encore plus de raison", a souligné Me Thonon, qui représente les intérêts des familles de cinq Français disparus. (Déclarations, dimanche 10 décembre)

À  l'étranger :

Desmond Tutu, le prix Nobel de la paix sud-africain 1984 pour son action non-violente contre l'apartheid : "J'aimerais adresser mes condoléances à la famille du général Pinochet". "Il reste un enfant de Dieu et pour ma part je ne serai jamais capable de me réjouir (de la mort de quelqu'un)".
"J'espère qu'il a pu être touché par les gens qui disaient qu'ils voulaient savoir ce qui était arrivé à leurs proches lorsqu'il était à la tête du Chili".
"Ce serait une chose affreuse de se réjouir. Il a fait ce qu'il a fait et tout le monde reconnaît que c'était mauvais". (Conférence de presse à Genève, mardi 12 décembre)






Au Chili :


Hernan Buchi, ex-ministre des Finances de Pinochet : "Il a compris que le problème ne résidait pas uniquement dans un ajustement macro-économique mais que la réalité mondiale l'obligeait à réformer profondément l'économie. Personne ne s'attendait à ce qu'il le fasse mais il l'a fait".
(Déclarations, Santiago, mardi 12 décembre)


Andrés Zaldívar, ancien président chrétien-démocrate du Sénat chilien, : "rien ne justifiait le pouvoir absolu de Pinochet pendant 17 ans". "Il l'a exercé sans contrepoids, soumettant tous les pouvoirs de l'Etat et maintenant une immense majorité de citoyens dans la terreur de la répression permanente".
"Je déplore l'impunité absolue des suppôts (d'un régime) qui commirent toutes sortes d'atrocités". "Seul l'exercice de la démocratie a permis que la vérité soit dévoilée et que justice soit en partie faite". (Déclarations, Santiago, mardi 12 décembre).


Ricardo Lagos Weber, porte-parole du gouvernement, la figure de Pinochet continue de diviser le pays mais "pas de manière uniforme" car "ceux qui lui trouvent encore des mérites sont peu nombreux" alors que la majorité des Chiliens ont "une opinion différente". (Déclarations, Santiago, mardi 12 décembre).


José Joaquín Brunner: "les tensions ravivées par la mort de Pinochet et les incidents des derniers jours font partie d'un "processus de révision du passé".
"Ce serait cependant une erreur que de déduire de ces manifestations d'émotion que la société est polarisée". "Ce que vit le Chili est en fait un moment symboliquement très intense". (Déclarations, Santiago, mardi 12 décembre).


En Europe :


Miguel Angel Moratinos, ministre espagnol des Affaires étrangères: Evoquant la "page noire, obscure de l'Histoire du Chili sous la dictature du général Pinochet", il a déclaré que "la seule chose que nous pouvons regretter est que la justice ne le jugera pas de son vivant"."Mais l'Histoire le jugera, c'est elle qui dictera la sentence." (Bruxelles, lundi 11 décembre)


Isabelle Allende, la fille de l'ancien président chilien renversé par Pinochet : "Je pense aux gens au Chili qui ont souffert, qui sont morts alors, je pense à mon père bien sûr". Le général Pinochet "n'a jamais eu les valeurs de faire face de la justice, de dire la vérité de reconnaître ses erreurs pour ses horribles crimes". "Je pense que la justice n'a pas encore fini son travail. Pour la société chilienne, pour le peuple chilien, pour toutes les victimes, il serait très important que le procès puisse se finir. Malheureusement on n'a pas réussi, malheureusement il est mort". (RTL, lundi 11 décembre)







Baltasar Garzón, le juge d'instruction espagnol, qui provoqua l'arrestation d'Augusto Pinochet à Londres en 1998, a estimé que les actions judiciaires entamées contre l'ex-dictateur chilien "doivent se poursuivre". Ces actions en cours, notamment en Espagne et au Chili, doivent continuer parce qu'il s'agit d'obtenir "réparation" pour des victimes "qui ne furent pas seulement celles de Pinochet, mais aussi d'autres personnes militaires et non militaires". (Radio espagnole Cadena Ser, lundi 11 décembre)

Luis Sepulveda, écrivain chilien : "L'action de la justice doit se poursuivre. La mort du tyran ne signifie pas la fin de la justice". Il "faut punir les responsables qui sont encore en vie" y compris pour "le vol de biens publics". "La mort de Pinochet suppose une grande joie mais pas plus. Ce misérable appelé Pinochet disparaît enfin de la vie des Chiliens", a ajouté l'auteur notamment du roman "Le Vieux qui lisait des romans d'amour". Arrêté et condamné à 28 ans de prison en 1973 pour son opposition au régime de Pinochet, Sepulveda avait été libéré de prison au bout de deux ans et demi grâce à l'intercession d'Amnesty International mais avait dû s'exiler en Europe. (Radio portugaise Antena 1, lundi 11 décembre)

Margaret Thatcher, ancienne Premier ministre britannique est "profondément attristée" par la mort du général Augusto Pinochet, a annoncé son porte-parole dimanche.
Mme Thatcher ne fera de déclaration mais va transmettre ses "plus profondes condoléances" à la veuve du général Pinochet et à sa famille, a précisé son porte-parole. (Dimanche 10 décembre)




Margaret Beckett, secrétaire au Foreign Office de Londres : "Nous prenons acte du décès du général Pinochet et voulons rendre hommage aux progrès remarquables que le Chili a réalisés pendant les quinze dernières années en tant que démocratie ouverte, stable et prospère". (Dimanche 10 décembre)


États-Unis d'Amérique : Ronni Moffitt, secrétaire de l'Institut d'études politiques de Washington (Institute for Policy Studies, IPS) : "Il y a encore aux Etats-Unis un élément qui n'a pas été réalisé par rapport à Pinochet la publication des documents confidentiels en relation avec l'assassinat de Letelier ("Les familles d'Orlando et de Ronni méritent de connaître toute la vérité sur cet acte horrible". "La publication de ces documents est le minimum que peut faire le gouvernement du président George W. Bush pour ces victimes du terrorisme international".
(L'ancien chef de la diplomatie chilienne et ancien ambassadeur du Chili aux Etats-Unis, Orlando Letelier et sa secrétaire avaient trouvé la mort dans un attentat en plein Washington le 21 septembre 1976). (Communiqué, Washington, mardi 12 décembre)


Marco Antonio Hiriart, le fils cadet de l'ex-dictateur Augusto Pinochet : sur le fait que le gouvernement n'ait pas autorisé l'organisation de funérailles d'Etat pour son père "par respect pour ma famille, j'aimerais que le gouvernement ne participe pas aux funérailles, (mais) si les gens le veulent, ils peuvent". "Mais je ne souhaite pas d'actes hypocrites, par respect pour ma mère et ma famille" "Cela aurait été normal parce qu'il s'était totalement engagé pour ce pays et il l'avait sorti d'un incroyable chaos". (déclaration sur radio Agricultura, Santiago, mardi 12 décembre)


Luiz Inacio Lula da Silva, le président brésilien : Augusto Pinochet "a symbolisé une période sombre pour l'histoire de l'Amérique du Sud". Le gouvernement de Pinochet (1973-1990) "fut une longue nuit où les lumières de la démocratie ont disparu, éteintes par des coups d'Etat autoritaires". Lula a ajouté qu'il "fallait souhaiter que plus jamais la liberté de la région ne soit menacée et que dans chaque pays, les peuples puissent toujours régler leurs différences en paix". (Communiqué, lundi 11 décembre)



La Maison Blanche : "Nos pensées vont aujourd'hui aux victimes de son règne et à leurs familles". "La dictature d'Augusto Pinochet au Chili a constitué l'une des périodes les plus difficiles de l'histoire de ce pays", a estimé Tony Fratto, un des porte-parole de la Maison Blanche. "Nous félicitons les Chiliens d'être parvenus à bâtir une société fondée sur la liberté, l'état de droit et le respect des Droits de l'Homme". (Washington, dimanche 10 décembre)





Associations, organismes : José Miguel Vivanco directeur pour les Amériques de Human Rights Watch : "l'arrestation du dictateur en 1998 en Grande-Bretagne l'a au moins mis dans le box des accusés du tribunal de l'opinion publique internationale".
"L'arrestation... a été le début de la fin pour Pinochet et le commencement d'un effort pour amener devant la justice les plus grands violateurs des droits humains".
"Pinochet a passé ses dernières années à se défendre contre une toile de plus en plus dense de procédures au Chili et il est mort profondément discrédité dans le pays qu'il avait un jour gouverné"
"Les juges britanniques ont confirmé le principe que tous les tribunaux peuvent avoir juridiction sur les plus graves crimes contre les droits de l'Homme, menaçant ainsi la sécurité des dictateurs dans le monde entier" (Déclarations, Washington, mardi 12 décembre)


Amnesty International : "La mort du général Pinochet devrait servir à une prise de conscience des autorités chiliennes et des gouvernements ailleurs (dans le monde), et leur rappeler l'importance de la célérité de la justice pour les crimes contre les droits de l'homme, à laquelle Pinochet lui-même a échappé". "Sa mort ne doit pas constituer la fin de l'histoire : Amnesty International appelle les autorités chiliennes à déclarer la loi sur l'amnistie nulle et procéder à des enquêtes et à la poursuite de tous ceux qui sont impliqués dans les milliers de cas de 'disparition', torture et exécution durant la période de pouvoir de Pinochet". "Les familles et les survivants ont besoin de savoir ce qui s'est passé, ont besoin de justice et ont besoin de leur procès. La mort de Pinochet ne doit par refermer le plus noir chapitre du Chili, celui marqué par de massives violations des droits de l'homme et l'impunité". "Amnesty International va continuer à faire campagne pour la justice des victimes des violations des droits de l'Homme commises sous le régime de Pinochet". (Déclaration, dimanche 10 décembre)


Luis Guillermo Pérez (avec Sargent García), vice-président de la Fédération internationale des droits de l'homme (FIDH) : "La condamnation morale de Pinochet, le peuple chilien l'a déjà faite", "les manifestations de joie au Chili l'expriment". "Même les conservateurs chiliens ont compris" qui était Pinochet, "un criminel contre l'humanité". Mais même sans sentence judiciaire, "Pinochet restera comme un criminel contre l'humanité, son nom sera préservé à travers les siècles comme cela", a estimé Perez qui a salué la "décision historique de la justice britannique en 1998 de lever son immunité". "La lutte n'est pas perdue". (Déclaration, dimanche 10 décembre)


Jean-Pierre Dubois, président de la Ligue des droits de l'homme : Pinochet est "malheureusement mort trop tôt, avant d'avoir été jugé". "Il n'a pas été jugé parce que la justice britannique s'est à l'époque laissée prendre aux informations sur son mauvais état de santé et de cette façon il a réussi à échapper à la justice" (...) "C'est la victoire de l'impunité". "Son cas me fait penser à celui d'un autre vieillard, condamné en France pour avoir envoyé des enfants au four crématoire et qui est sorti de prison pour raisons de santé. Et finalement Monsieur Papon se porte à merveille". Ainsi "les victimes de Pinochet n'auront jamais la possibilité d'avoir un vrai procès". (Déclarations, dimanche 10 décembre)