21 décembre, 2006

ENTREVUE EXCLUSIVE AVEC MICHEL CHARTRAND

MICHEL CHARTRAND
Michel Chartrand fête aujourd'hui ses 90 ans. À cette occasion, le vieux syndicaliste a accordé une entrevue téléphonique au Journal. Il y évoque le bilan des luttes qu'il a menées et les perspectives d'avenir. Entretien exclusif.

Question: Comment allez-vous, M. Chartrand?

Michel Chartrand: La santé va bien. Mes enfants et mes petits-enfants sont venus me voir dimanche pour me souhaiter bonne fête. Ce lundi matin (avant-hier), je lis mes journaux comme d'habitude: Le Devoir, Le Monde diplomatique, Le Nouvel Observateur et Le Canard enchaîné.

Q: Ça vous fait quoi d'avoir 90 ans?

M.C.: Rien. De toutes façons, je vais vivre jusqu'à 107 ans (rires).

Q: Comment voyez-vous l'avenir politique du Québec?

M.C.: La jeune génération s'intéresse au Québec et ne veut plus rien savoir d'Ottawa. C'est bien. Il va maintenant falloir convaincre les vieux qui ont peur pour leurs chèques qui viennent du fédéral.

Q: Le souverainiste que vous êtes pense-t-il que l'actuel chef du PQ, André Boisclair, fera du Québec un pays?

M.C.: Lui, c'est un genre de play-boy de la politique. Il a beaucoup de facilité avec les gens, mais personne ne sait trop ce qu'il pense au juste. Je ne sais pas ce qu'il a dans le ventre, ce gars-là.

Q: Quelle est votre opinion à propos de l'élection récente de Stéphane Dion à la tête du Parti libéral du Canada?

R: Ça fait bien longtemps que les affaires d'Ottawa ne m'intéressent plus. Lui ou un autre, ce sont les mêmes turpitudes.

Q.: Si j'en crois vos lectures, je vois que vous vous intéressez beaucoup à l'actualité française. Vous devez bien avoir une opinion sur l'élection présidentielle de 2007...

M.C.: Bien sûr. Ségolène (Royal, candidate du Parti socialiste) me semble bien correcte. Elle est ambitieuse et elle sait ce qu'elle veut. Ça va être une bonne affaire, qu'elle passe. Comme au Chili, où ils ont élu une femme (Michelle Bachelet).

Q.: Parlons-en du Chili. Qu'avez-vous pensé du décès d'Augusto Pinochet?

M.C.: C'est un vieux bandit. En plus, ils viennent de découvrir qu'il a détourné de l'argent!

Q.: Qu'est-ce que vous suivez de près dans l'actualité?

M.C.: Je m'intéresse à tout. J'espère que la trêve entre le Fatah et le Hamas va tenir. L'attitude internationale, qui laisse ces gens mourir de faim, est mesquine et sale. Il y a aussi le sort des (immigrants clandestins) africains qui se noient en essayant d'aller en Europe par la mer. Ça me bouleverse, ces histoires.

Q.: De tous les combats que vous avez menés, lequel vous rend le plus fier?

M.C.: C'est d'avoir donné leur place aux femmes dans le Conseil central (de la CSN). Les autres mouvements - y compris chez les syndicats - surveillaient les femmes au lieu de les faire participer!

Q.: M. Chartrand, avez-vous un message à faire passer aux jeunes?

M.C.: Nous sommes nés pour vivre en société. Il ne faut surtout pas qu'ils raisonnent en se disant: «Chacun pour soi». Ils doivent rester solidaires.

Michel chartrand en dix dates


  • 1916: Naissance à Outremont. Michel est le 13e d'une famille de 14 enfants.
  • 1946: Participe à la création de la Caisse populaire Desjardins de Montréal-Sud (Longueuil).
  • 1955 et 1956: Il travaille au Conseil central de Shawinigan comme conseiller technique. Il participe à la grève des travailleurs de la Consolidated Paper (division Belgo). Sept incarcérations et trois condamnations (dont une rejetée en appel).
  • 1963: Membre-fondateur du Parti socialiste du Québec.
  • 1968: Est élu à titre de président du Conseil central des syndicats nationaux de Montréal (CCSNM). Il occupera ce poste pendant dix ans.
  • 1970: Accusé de sédition, il est arrêté, le 16 octobre à l'aube, à son domicile de Richelieu, en vertu de la Loi sur les mesures de guerre. Il ne sera libéré que quatre mois plus tard.
  • 1972 et 1973: Tournée au Proche-Orient, où il rencontre le leader palestinien Yasser Arafat. Plusieurs initiatives de solidarité avec le peuple chilien, qui vient de voir son président démocratiquement élu, Salvador Allende, assassiné.
  • 1983: Participe à la création de la Fondation pour l'aide aux travailleuses et travailleurs accidentés (FATA).
  • 1993: Décès de sa femme, la militante Simonne Monet-Chartrand, qui lui a donné sept enfants. Ils s'étaient mariés en 1941.
  • 1998: Il milite pour un revenu de citoyenneté et contre la pauvreté.
    * Source: Fernand Foisy, Michel Chartrand. Les dires d'un homme de parole, petite collection Lanctôt, 2001.
Michel Chartrand devant L'Homme qui marche, de Giacometti, à l'exposition Le Corps transformé, à Shawinigan.