25 septembre, 2006

LES ETATS-UNIS AURAIENT PU ÉVITER LE MEURTRE D'ORLANDO LETELIER

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ORLANDO LETELIER À WASHINGRON DC, 1976. 
PHOTO MARCELO MONTECINO

Nouveaux documents déclassifies.
Archives de Sécurité Nationale de l'Université George Washinton.
The National Security Archive.
Washington, le 20 septembre 2006.

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Pour le 30ème anniversaire du meurtre de l'ex-ambassadeur chilien aux Etats-Unis Orlando Letelier et sa collègue étasunienne Ronni Karpen Moffitt, les Archives de Sécurité Nationale de l'Université George Washington a demandé ce mercredi au gouvernement des Etats-Unis de déclassifier tous les documents sur la participation du général Auguste Pinochet dans l'explosion de la voiture de Letelier le 21 septembre 1976, un des plus retentissants actes de terrorisme qui a eu lieu dans la capitale étasunienne.

Selon Peter Kornbluh, directeur du Projet de Documentation sur le Chili des Archives, "dans l'actuel contexte de la guerre de l'administration américaine contre le terrorisme international, il est important de savoir l'histoire complète des faibles efforts des Etats-Unis pour détecter et dissuader un plan terroriste qui a eu lieu au cœur de Washington, D.C., en 1976".

Des centaines de documents qui impliquent Pinochet pour autoriser et couvrir des crimes pendant l'Opération Condor, ont été déclassifiés pendant l'administration Clinton, mais ont été gelé dans les années 2000 parce qu'elles pourraient servir hypothétiquement de preuves pour une enquête ouverte par le Département de la Justice sur le dictateur Chilien.

Les Archives, une institution académique indépendante, ont dévoilé ce mercredi une note envoyée le 8 octobre 1976 [1] au Secrétaire de État Henry Kissinger, qui fait le compte rendu du rapprochement de la CIA au chef de la police secrète chilien (DINA), Manuel Contreras, pour faire des recherches sur la participation à l'Opération Condor dans l'attentat terroriste du 21 septembre 1976 contre l'ex- ambassadeur chilien, dont les auteurs physiques ont été des anticommunistes cubains sous les ordres de la DINA.

La note secrète a été écrite par le représentant de Kissinger pour l'Amérique latine, Harry Schlaudeman, et on y affirme que Contreras avait nié que "l'Opération Condor ait tout autre but que l'échange d'Intelligence."

Bien que l'attentat ait eu lieu quelques jours avant au centre de Washington DC, la note ne fait aucune référence sur les liens de Contreras avec les meurtriers Letelier et de Moffit, "même si l'administration des Etats-Unis disposait des preuves suffisantes que la DINA chilienne était l'auteur la plus probable du crime", affirme Kornbluh. En 1978, Contreras a été jugé par un tribunal des Etats-Unis pour avoir dirigé l'attaque terroriste.

Parmi les mémorandums dirigés à Kissinger, publiés par les Archives, on trouve une série de documents [2] qui font la lumière sur ce que savait le gouvernement des Etats-Unis sur l'Opération Condor - la collaboration des services secrets de la police du Cône Sud pour enlever, torturer, et assassiner des adversaires durant les années 70, avec l'approbation de Washington - et quelles actions il a mené ou il n'a pas pu mené avant le meurtre Letelier - Moffitt.

Selon Kornbluh, le 23 août 1976 le bureau de Kissinger a envoyé une plainte diplomatique (demarche) [3], soigneusement rédigée, aux ambassadeurs des Etats-Unis au Chili, Argentine, Bolivie, Uruguay et Paraguay, pour la livrer aux gouvernements respectifs, dans laquelle on parle de la connotation publique des meurtres qui se produisaient dans ces pays. Mais le jour suivant, l'ambassadeur des Etats-Unis au Chili, David Popper [4] a répondu qu'il n'allait pas donner la note à Pinochet parce qu' "il peut prendre comme une insulte toute référence qui le lie avec de telles stratégies pour ce type de meurtre". À sa place, Popper a sollicité une autorisation pour l'envoyer au chef du bureau de la CIA au Chili pour converser de cela avec Contreras. Pour des raisons encore ignorées à cause de documents toujours classés, Schlaudeman n'a pas autorisé ce rapprochement jusqu'au 4 octobre, deux semaines après l'attentat contre la voiture de Letelier à Washington.

Pour des raisons aussi "inconnues", le 20 septembre 1976, un jour avant le meurtre de Letelier et Moffitt, Schlaudeman [5]a ordonné à son propre représentant de dire aux ambassadeurs du Cône Sud "de ne pas organiser aucune autre action" - c'est-à-dire, de les critiquer pour les meurtres -, parce que "il n'y a pas eu de rapports dans les dernières semaines qui indiquent l'intention d'activer l'Opération Condor." Dans sa note du 8 octobre à Kissinger [6], relative au mémorandum de la CIA sur la conversation avec Contreras, Schlaudeman il assurait que "le rapprochement avec Contreras me paraît suffisant pour le moment, "parce que "les Chiliens sont le moteur de Condor."

Les archives ont aussi déclassifié une seconde note de Schlaudeman à Kissinger [7] qui rend compte d'un câble de l'ambassadeur des Etats-Unis en Uruguay Ernest Siracusa, où il exprime ses préoccupations sur la tournure terroriste qu'a prise l'Opération Condor. Dans sa note à Kissinger en date du 30 août 1976 [8], Schlaudeman donne à comprendre qu'il connaît parfaitement les plans de l'Opération et assure que : "Nous essayons d'éviter une série de meurtres internationaux qui pourraient faire des dommages sérieux à la réputation des pays impliqués."

Kornbluh juge qu'il est évident que les Etats-Unis en effet avaient des signaux sur les plans de meurtres de l'Opération Condor, où le Chili "était le moteur impulsif", et que ceux-ci apparaissent dans le mémorandum de la CIA qui renvoie la conversation avec Contreras et le câble de Siracusa, documents qui restent censurés par l'actuelle administration des Etats-Unis.

Documents (en Anglais)

Action Mémorandum, Ambassador Harry Schlaudeman to Secretary Kissinger, "Operation Condor," August 30,1976 [9]

Source : Freedom of Information Act request.
[Briefing Mémorandum, Ambassador Harry Schlaudeman to Secretary Kissinger, "Operation Condor," October 8,.1976 [10]

Source : Freedom of Information Act request.
Traduction pour El Correo : Estelle et Carlos Debiasi.