08 septembre, 2006

LE PRÉSIDENT FREI AVAIT-IL ÉTÉ EMPOISONNÉ?


Le dictateur Augusto Pinochet aurait-il fait assassiner l’ex-président chilien Eduardo Frei Montalva ?



après plus de quatre ans d’enquête sur les circonstances de la mort, le 22 janvier 1982, de l’ex-président (démocrate-chrétien, 1964-1970), l’affaire vient de prendre un nouveau tournant et occupe tous les journaux. Reprises par le quotidien La Nación, les récentes déclarations du Dr Augusto Larraín, qui a opéré Eduardo Frei d’une hernie hiatale quelques mois avant sa mort, ont relancé le débat. Le médecin, expert en chirurgie de l’œsophage et proche de la famille, vient de sortir de son silence. “A mon avis, il y a eu un agent chimique externe, mais je ne peux pas dire ce que c’est, ni qui l’a mis, ni comment on l’a mis”, cite le quotidien. La rumeur d’un empoisonnement avait commencé à circuler au lendemain de la mort d’Eduardo Frei, mais n’avait jusqu’ici jamais été confirmée. Et la famille Frei a toujours affirmé que la septicémie généralisée qui a tué l’ex-président était suspecte.


L’ANCIEN CHEF DE L’ÉTAT
EDUARDO FREI MONTALVA
 
L’hypothèse semble d’autant plus envisageable que l’ex-dirigeant est mort au moment même où il commençait à négocier avec l’opposition de gauche pour s’unir contre le dictateur Augusto Pinochet (1973-1990). Le quotidien La Tercera rappelle que le régime d’Augusto Pinochet, qui était à son apogée en 1981, avait expulsé du Chili quatre dirigeants d’opposition. Une émission télévisée nationale a également révélé “un programme présumé de la dictature pour fabriquer des armes bactériologiques et chimiques qui auraient été utilisées pour éliminer des adversaires du régime [de Pinochet]”. Dès 2000, un prêtre avait confié à Carmen Frei, l’une des filles du dirigeant, qu’un ex-agent de la DINA – la police secrète de Pinochet – savait qu’on avait fait assassiner le président. Le FBI a pour sa part indiqué en décembre 2005 que les analyses pratiquées sur le corps du président défunt n’avaient pas révélé la présence d’agents biologiques.

L’affaire est donc loin d’être résolue, mais les partisans de la Démocratie chrétienne (DC) sont sensibles à l’avancée de l’enquête. La Tercera rapporte que, le week-end dernier, des centaines de personnes munies de drapeaux et de photos de l’ex-dirigeant se sont réunies au cimetière pour participer à la procession organisée par la DC en hommage à son ex-numéro un. Lors d’une déclaration, la présidente socialiste Michelle Bachelet s’est pour sa part dite “horrifiée” par ces nouveaux éléments qu’elle a qualifiés d’“extrêmement graves”. Si la thèse de l’assassinat de l’ancien président chilien se confirmait, ce serait un scandale de plus – et non des moindres – sur l’ardoise déjà chargée de Pinochet.
Courrier international - n° 827 - 7 sept. 2006