20 décembre, 2011

COUR D'APPEL ORDONNE INTERROGER LES PILOTES DU 11 SEPTEMBRE 1973

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LA MONEDA, ŒUVRE DE L’ARCHITECTE ITALIEN TOESCA, PALAIS DU
GOUVERNEMENT CHILIEN DÉTRUIT EN SEPTEMBRE 1973 PAR LES
BOMBES DES AVIONS CHILIENS. C’ÉTAIT DEPUIS LES DÉBUTS DES
 ANNÉES 1800 LE SIÈGE DE LA PRÉSIDENCE ET LE SYMBOLE 
DE LA DÉMOCRATIE CHILIENNE.
La cour d'Appel de Santiago a ordonné au juge spécial qui enquête sur la mort du président Salvador Allende d’interroger pour la troisième fois le général Mario López Tobar, de l’armée de l’air du Chili. L’officier sera cette fois sous le l’injonction de livrer les noms des pilotes qui ont attaqué le palais de La Moneda et la maison présidentielle de Tomás Moro le 11 septembre 1973.

Comme commandant du Groupe 7 d'aviation, Mario López Tobar a été il y a 38 ans à la tête de l'escadrille d'avions Hawker Hunter qui a bombardé le Palais de La Moneda, la maison présidentielle de Tomás Moro et cinq antennes de radio, dans des actions de guerre décisives pour le coup d'État du 11 septembre 1973 contre le gouvernement constitutionnel de Salvador Allende.

Le tribunal a aussi demandé au juge de solliciter à l'Inspection générale des services la liste complète des pilotes de guerre actifs le 11 septembre 1973. Mario López Tobar a été interrogé par le juge à deux reprises, mais il n’a pas voulu jusqu’ici livrer les noms des pilotes.
LES ÉCUSSONS DES GROUPES 7 ET 9 DES FORCES AÉRIENNES DU CHILI,
LES UNITÉS QUI ONT EXÉCUTÉ LES RAIDS DE DESTRUCTION DU SIÈGE
DU GOUVERNEMENT, DE LA RÉSIDENCE DES PRÉSIDENTS ET DE CINQ
ANTENNES DE RADIO EN SEPTEMBRE 1973.

L'ancien pilote raconte cet épisode dans son livre « Le 11 dans la mire d'un Hawker Hunter » —un des rares témoignages existants sur les détails de l’opération aérienne—, qu’il a publié en 1999 malgré les réserves de la l’armée de l’air et de ses compagnons d'armes. Il n’y révèle pas non plus l'identité des équipages à sa charge.

MARIO LOPEZ TOBAR, FERNANDO ROJAS VENDER, EITEL VON MÜLLENBROCK,
TROIS DES PILOTES DES HAWKER HUNTER QUI ONT TIRÉ EN SEPTEMBRE 1973
CONTRE LE PALAIS DU GOUVERNEMENT ET LA RÉSIDENCE DES PRESIDENTS
AU CHILI.  ILS SONT TOUS DEVENUS GÉNÉRAUX, ROJAS VENDER EST MÊME
ARRIVÉ À COMMANDANT EN CHEF DE L’ARMÉE DE L’AIR.

Les noms des officiers qui ont participé en 1973 aux opérations du 11 septembre ont été strictement gardés durant quatre décennies, bien que ce n’est pas un secret à l'intérieur de l'institution armée, où plusieurs gradés connaissent précisément les identités de tous les pilotes qui ont volé ce jour-là et qu'ont ouvert le feu contre le palais du gouvernement  Chilien.
  
Dans un des volets de son enquête pour établir les causes de la mort du président Salvador Allende, le juge a demandé à la force aérienne et au ministère de la défense le listing des pilotes et il a déjà interrogé certains d'entre eux. Mario López Tobar a été le premier mais il a refusé de donner l'identité du personnel sous son commandement.

L’ancien commandant en chef de l’armée de l’air, le général Gustavo Leighun des instigateurs du coup d’état et membre de la junte militaire—, n'a pas voulu non plus à son époque autoriser la presse étrangère à interviewer les pilotes, mais il a reconnu que son fils était un des
pilotes de cette unité.

« J'ai toujours été fier de ma Force aérienne, et le 11 septembre ils ont couronné mes aspirations. Les pilotes n'ont pas à apparaître à la télévision, je veux les maintenir anonymes pour des raisons évidentes. Même mon fils est pilote de cette unité, un lieutenant ».

Malgré la résistance des aviateurs, des nombreux témoignages et d’éléments concordants permettent d’affirmer que les équipages du 11 septembre 1973 étaient composés par Ernesto González Yarra, Mario López Tobar, Fernando Rojas Vender, Eitel von Müllenbrock, Enrique Montealegre Julliá et Gustavo Leigh Yates.

C’est le général Gustavo Leigh qui a ordonné l'attaque à La Moneda et à Tomás Moro. À Concepción les équipages —quatre pilotes, deux avions pour chaque cible— ont été briefés et on a décidé d’utiliser des fusées Sura P-3, une arme antiblindage, pour perforer les gros murs de la maison de gouvernement et limiter les dommages collatéraux.
 

Tous les avions qui ont participé à cette opération appartenaient au Groupe 7, basé à l’aérodrome militaire de Cerrillos, renforcés par 4 pilotes du Groupe 9. Dès le début août ces avions avaient été secrètement déplacés à l'aéroport Carriel Sur, à Concepción, par ordre du commandant en chef, qui craignait que l’aérodrome militaire fût attaqué en cas de troubles par des travailleurs de la « ceinture ouvrière » de Cerrillos.

La première frappe sur le siège du gouvernement est lancée peu avant 11.30 par Ernesto González Yarra. À trois mille pieds d’altitude et juste après passer sur la station Mapocho sont lancées les premières fusées, qui touchent la façade nord du palais et détruisent l'énorme porte principale. Ce pilote est décédé en 1995.
 
Le deuxième Hawker Hunter piloté par Fernando Rojas Vender fait feu sur le toit et déclenche tout de suite un grand incendie. Ce pilote est arrivé à commandant en chef de la force aérienne du Chili, et il est un des généraux mis en cause par l’enquête.
En huit passages successifs avec fusées et des arrosages de mitrailleurs de 30 mm, en 20 minutes les avions laissent La Moneda semi détruite.


AU LENDEMAIN DES BOMBARDEMENTS LES NOUVEAUX MAÎTRES DU
 CHILI ONT EXHIBÉ LE PALAIS DU GOUVERNEMENT ÉVENTRÉ,
DEVANT UNE POPULATION ABASOURDIE PAR L'EXTRÊME VIOLENCE 
 DÉCHAÎNÉE EN QUELQUES HEURES CONTRE DES CIVILS DÉSARMÉS.
PHOTO : PRIMAVERA SILVA MONGE, 1973.
Simultanément est bombardée la résidence du président Allende, à Tomas Moro, dans l’ouest de la ville de Santiago, par deux avions pilotés par le capitaine Eitel Von Mühlenbrock et le lieutenant Gustavo Leigh Yates. Peu expérimenté, ce jeune pilote du Groupe 9 manque sa frappe et touche l'hôpital de l’armée de l’air. Ce lieutenant —mort depuis de maladie—, était le fils du général homonyme, à l’époque commandant en chef de l’aviation et membre du quarteron de généraux qui prenait d’assaut le pouvoir au Chili.

Comme dans toutes les enquêtes qui tentent laborieusement d’élucider les faits de violence des militaires et de démêler les responsabilités lors du putsch, les participants se défaussent invariablement sur une vaste et imprécise responsabilité institutionnelle.

Le dictateur et la junte militaire —aux commandes pendant 17 ans—, ont entretenu l’idée fallacieuse que les troupes et officiers qui ont agi lors du putsch ont participé à un fait historique, une louable action patriotique, et c’est le discours toujours en vogue chez les militaires à la retraite. Ils réagissent pourtant tel un réseau maffieux qui se dérobe aux investigations, muré dans un pacte de silence similaire à l’omerta. Sans doute parce qu'ils savent que plus que de la reconnaissance de la patrie, leurs exactions relèvent de la félonie et de la haute trahison, et qu’ils méritent les geôles plutôt que des médailles.

LES PILOTES DES GROUPES Nº 8 ET 9 DE L’ARMÉE DE L'AIR CHILIENNE SUR
 LE TARMAC DE PUDAHUEL EN SEPTEMBRE 1976, SUITE AU DÉFILÉ
 MILITAIRE ANNUEL. PARMI EUX, LES PILOTES DES HAWKER HUNTER 
QU'ONT  BOMBARDÉ LA RÉSIDENCE DES PRÉSIDENTS  À TOMAS MORO.