18 octobre, 2007

LE CHILI SE PENCHE SUR LES LAISSÉS-POUR-COMPTE DE LA PROSPÉRITÉ


Malgré le rebond prévu de l'économie chilienne cette année, la première femme présidente du pays n'a pas les faveurs de ses concitoyens. Un sondage publié le 8 octobre donne à Michelle Bachelet (centre gauche) à peine 35 % d'opinions favorables.
Au pouvoir depuis dix-neuf mois, elle peut pourtant s'enorgueillir d'une croissance du produit intérieur brut (PIB) de 6 % en 2007, après 4 % en 2006. Le pays, premier producteur de cuivre au monde, tire profit depuis 2003 des cours élevés de cette matière première, mais également de la croissance de ses exportations de saumon et de cellulose de bois.


En dépit de ces bons résultats, le gouvernement de ce pays d'à peine 16 millions d'habitants est confronté à d'importantes manifestations d'étudiants et de travailleurs, qui se considèrent comme les laissés-pour-compte de la prospérité. La mise en place du Transantiago, le nouveau système de transport public de la capitale, un projet lancé par le précédent président Ricardo Lagos visant à remplacer un réseau privé obsolète, est devenue le cauchemar des Santiaguinos.

Mais surtout, alors que les inégalités ont légèrement diminué en 2006, le Chili reste l'un des pays où les écarts de revenus sont les plus importants au monde. Dans la banlieue de Santiago, où les bidonvilles s'étendent sur plusieurs kilomètres, les habitants doivent survivre avec des salaires à peine supérieurs au minimum mensuel de 200 euros, alors que le coût de la vie est proche des niveaux européens.

"La dimension sociale est oubliée au Chili. Le fait que le gouvernement n'a pas pu, ou pas voulu, engager les réformes promises pour mettre fin à une telle concentration des richesses, risque de faire basculer le pays dans la violence", avertit Arturo Martinez, président de la puissante Centrale unitaire des travailleurs (CUT).

REDISTRIBUTION

La présidente hérite, malgré elle, d'un système économique ultralibéral mis en place par les "Chicago boys", des économistes chiliens formés à l'école de Milton Friedman, pendant les années de la dictature d'Augusto Pinochet (1973-1990).
A l'exception notable de Codelco, le géant du cuivre chilien qui assure 30 % de la production de la planète et 20 % des exportations totales du Chili, la plupart des entreprises nationales ont été privatisées. Les barrières douanières ont été supprimées et les services publics - dont les télécommunications, l'électricité et le système de retraites - confiés au privé.

Sans pour autant abandonner l'orthodoxie monétaire et budgétaire, les démocrates chiliens se sont engagés sur la voie de la redistribution par des politiques ponctuelles.

"Le revenu par tête a triplé en dix-sept ans de démocratie. Quant au pourcentage de la population se situant sous le seuil de pauvreté, il a chuté à 13 % en 2006, contre 45 % en 1997. C'est autre chose que le soi-disant miracle économique dont s'est vantée la dictature", souligne Alexandro Foxley, ministre des affaires étrangères du Chili. La mise en oeuvre d'une politique fiscale et budgétaire ambitieuse de redistribution n'a, toutefois, pas encore vu le jour.

Alors qu'en vingt-cinq ans, seul 60 % de la population adulte a pu profiter du système de retraite privé chilien, le gouvernement de Mme Bachelet a présenté un nouveau texte de loi qui devrait étendre la retraite à tous. "Nous voulons que la retraite devienne un droit et ne soit pas seulement fonction des capacités de financement des citoyens", explique Osvaldo Andrade, ministre du travail.

Pour assurer une meilleure couverture de la population âgée, les autorités prévoient de compléter les versements s'ils sont insuffisants et de financer entièrement les travailleurs qui n'ont jamais cotisé, ainsi que les femmes au foyer et les plus démunis.

Afin d'engager les dépenses promises dans le secteur de l'éducation, le gouvernement a également assoupli la règle d'airain inscrite depuis 2000 dans la loi. A partir de 2008, les autorités ne devront plus dégager qu'un excédent budgétaire structurel au moins égal à 0,5 % du PIB, contre 1 % actuellement.

Maguy Day