14 mai, 2007

LA DC ET DE LA DROITE CHILIENNE EN AMERIQUE LATINE

LE ROLE DES PARLEMENTAIRES DE LA DEMOCRATIE CHRETIENNE ET DE LA DROITE CHILIENNE EN AMERIQUE LATINE
Le principal responsable chilien du coup d’État de 1973 contre le Président Allende est mort le 10 décembre 2006 sans avoir rendu de comptes à la justice. Tous les commanditaires, aussi bien chiliens qu’étrangers (nord-américains), continuent leurs forfaits, sans qu’aucune procédure judiciaire n’ait réussi à les inquiéter. Au Chili, seuls quelques criminels se sont vus contraints à s’expliquer sur leurs actes. Et encore, leur nombre dépasse à peine les deux cents inculpés. Cette situation met en évidence la politique d’impunité appliquée par les gouvernements successifs depuis la fin de la dictature de Pinochet.


Les conséquences de cette politique sont extrêmement nocives pour le développement d’une société basée sur des principes républicains et dans laquelle tous les citoyens sont égaux devant la loi. En effet, non seulement les victimes développent une méfiance totale vis-à-vis des institutions de l’État qui ne reconnaissent pas à certains citoyens les mêmes droits qu’aux autres, mais encore les «bénéficiaires» d’une telle politique sont persuadés qu’ils se situent au-dessus des lois, et de ce fait n’auront aucune crainte à recommencer les mêmes crimes.

Les preuves de l’implication du gouvernement américain dans l’organisation du coup d’État de 1973 contre Allende sont de notoriété publique. Des millions de dollars ont été alloués par la CIA pour financer des journaux, syndicats, partis politiques, etc. (1). Cependant, aucun instigateur du coup d’État n’a jamais avoué avoir reçu le moindre dollar de la part des services américains pour sa participation dans la création des conditions nécessaires à la prise du pouvoir par les militaires. Et pourtant, beaucoup de responsables politiques d’alors, de droite et démocrates chrétiens, sont actuellement encore dirigeants de partis politiques chiliens (Union Démocrate Indépendante –UDI-, Rénovation Nationale –RN-, Parti Démocrate Chrétien –PDC-). Ces derniers n’ont pas jugé sain, ni convenable, pour le salut moral de la vie politique chilienne, de faire le plus petit geste d’autocritique ou de repentance quant à leur rôle dans la tragédie de 1973.

Le système d’impunité en vigueur ne peut que les conforter dans leur conviction. Non seulement, ils continuent de croire à la possibilité d’outrepasser les lois pour des raisons politiques au Chili même, mais encore ils estiment avoir le droit de faire fi de la souveraineté d’autres pays.


Beaucoup de responsables politiques chiliens se sentent outragés si un étranger émet le moindre avis sur la conduite des affaires chiliennes dans le domaine des relations politiques internationales. Ceci a été particulièrement évident lorsque Pinochet a été attrapé et quasi jugé en Espagne pour crimes contre l’Humanité et la disparition de nombreux ressortissants étrangers au Chili (2). En revanche, les plus hautes institutions de l’État chilien ne se privent pas de s’immiscer ouvertement dans les affaires internes d’autres États.


C’est ainsi qu’en avril 2002 la Chambre des Députés a adopté grâce aux voix du PDC, de la UDI et de RN un texte condamnant Cuba pour sa «persistante violation des droits de l’homme» et reconnaissant aussi l’existence du blocus américain. Cette déclaration a été rendue publique la veille du vote contre Cuba organisé par la Commission des Droits de l’Homme (DD.HH) de l’ONU (3).


En avril 2003, le Sénat chilien a condamné à l’unanimité la «violente répression» de l’opposition à Cuba. Cette condamnation a encore une fois coïncidé avec la réunion de la Commission des DD.HH de l’ONU (4).


En juillet 2006, le Sénat chilien «condamne et demande au gouvernement de Cuba de mettre fin aux détentions pour des motifs idéologiques» (5), sans faire la moindre allusion aux détenus de la base de Guantanamo. Le hasard a voulu que cette résolution soit connue le jour suivant celui où Bush a adopté «des mesures supplémentaires» à l’encontre de Cuba, mesures contenues dans un rapport de 93 pages préparé par la Commission d'Assistance à une Cuba Libre, présidée par la Secrétaire d'Etat Condoleezza Rice et le Secrétaire du Commerce Carlos Gutiérrez.

A l’image de Pinochet, les promoteurs du coup d’Etat contre Allende pensent toujours que leur impunité est universelle et cherchent aujourd’hui à impliquer dans leurs intrigues d’autres formations politiques.


Dernièrement, en avril 2007, à quelques jours de la visite officielle de Mme Bachelet au Venezuela, les sénateurs chiliens ont condamné l’intention du gouvernement vénézuélien de ne pas reconduire la concession de Radio Caracas Televisión (RCTV), en exigeant de la Présidente chilienne qu’elle proteste auprès des autorités vénézuéliennes et qu’elle porte l’affaire devant l’Organisation des Etats Américains (OEA) (6).

Les intrusions des sénateurs et des députés de la droite chilienne dans les affaires internes de pays de la région révèlent qu’ils n’ont que faire du respect de la souveraineté d’autres pays, à condition, toutefois, que ceux-ci aient été désignés comme des ennemis par l’empire.


Washington semble d’ailleurs leur avoir réservé le rôle de pilier et de relais contre-révolutionnaire sous-régional de ses politiques impérialistes qui pourront ainsi, à partir de là, être reprises, voire amplifiées.


Si l’immoralité est la pierre de touche de l’impunité, l’intervention externe est la base de la contre-révolution. Les exemples dans l’histoire sont légion : les monarchies européennes contre la révolution française, les Prussiens contre la Commune de Paris, quatorze puissances étrangères contre la naissante révolution russe, Hitler et Mussolini contre la République espagnole, l’impérialisme américain contre toute velléité d’indépendance d’un pays d’Amérique latine (Nicaragua 1912, Guatemala 1954, Cuba 1959, République Dominicaine 1965, les Contras au Nicaragua dans les années 80, etc.).


Les attaques et déclarations de certains membres des institutions chiliennes paraissent bien utiles à l’administration américaine pour justifier sa politique d’agression de tout gouvernement rebelle à ses politiques interventionnistes, notamment en Amérique latine (7).


Les effets de l’impunité sont non seulement corrosifs pour la vie interne et le futur d’un pays, mais aussi dissolvants des bonnes relations internationales. Les sénateurs chiliens impliqués dans ces résolutions manifestent ainsi leur hostilité envers le processus d’intégration qui se développe actuellement en Amérique latine. 


J.C. Cartagena et N. Briatte.

(1) Uribe, Hernán La Democracia Cristiana Digitada por Washington, Punto Final, marzo 1996