11 décembre, 2006

HOMMAGE STRICTEMENT MILITAIRE POUR PINOCHET, EX-CHEF DES ARMÉES


Par Gilles BERTIN 11/12/2006 - 18:20 Chili: hommage strictement militaire pour Pinochet, ex-chef des armées. La dépouille de l'ancien dictateur chilien, Augusto Pinochet, exposée à l'Académie militaire de Santiago le 11 décembre 2006 - AFP

La dépouille en grand uniforme de l'ancien dictateur chilien, Augusto Pinochet, décédé dimanche à l'âge de 91 ans, a été exposée lundi à Santiago pour un hommage strictement militaire après le refus du gouvernement socialiste de lui rendre les honneurs dus à un chef d'Etat.

La cérémonie a eu lieu en présence de la famille du défunt et de quelque 300 personnes rassemblées à l'Académie militaire dans la capitale chilienne.

Plusieurs messes et prières aux défunts sont prévues dans le hall de cette école militaire pour évoquer le souvenir de l'ancien dictateur qui a tant divisé les Chiliens.

La présidente chilienne Michelle Bachelet a affirmé lundi avoir refusé les funérailles nationales à l'ex-dictateur "en pensant au Chili", tandis que le ministre de l'intérieur Belisario Velasco a estimé qu'il s'agissait "d'un classique dictateur de droite qui a violé les droits de l'homme et s'est enrichi".
Funérailles de Pinochet - AFP/Infographie

Une chapelle ardente a été dressée dans l'école du "Libérateur Bernardo O'Higgins" et le corps de l'ancien commandant de l'armée de terre et ex-chef des armées a été placé dans un cercueil vitré, montrant le visage et le buste du général, revêtu de son grand uniforme de gala de couleur grise.

Le cercueil est exposé dans le hall de l'Académie militaire où fut formée la junte militaire qui désigna Pinochet à sa tête, après le coup d'Etat sanglant du 11 septembre 1973 contre le président socialiste Salvador Allende.

Entre deux énormes cierges, une garde d'honneur composée de huit cadets veille sur le cercueil jusqu'aux funérailles prévues mardi à 11H00 (14H00 GMT), dans la cour de l'école militaire.

L'armée a fait savoir que les diverses cérémonies auraient un caractère public même si un contrôle de sécurité sera effectué à l'entrée de l'Académie.

Le corps de l'ex-dictateur avait été transféré dans la nuit de dimanche à lundi, alors que des incidents opposaient des manifestants célébrant sa mort et la police.
Violences le 10 décembre 2006 à Santiago après l'annonce de la mort de Pinochet - AFP

Peu après l'annonce du décès du dictateur, 5.000 manifestants étaient descendus dans les rues pour fêter "la libération du Chili".

Une quarantaine de policiers ont été blessés et une centaine de manifestants ont été arrêtés quand des groupes radicaux ont tenté de s'approcher du palais présidentiel. Les affrontements ont duré jusqu'à l'aube dans certains quartiers, à la périphérie de Santiago.

Lundi, les quotidiens de Santiago ont publié des suppléments sur la vie (1915-2006) de l'ancien président autoproclamé (1973-1990), soulignant que celui-ci n'aurait pas droit à des funérailles nationales prévues pour un chef d'Etat chilien, comme l'a décidé la présidente Michelle Bachelet, elle-même victime de la dictature et fille d'un général d'aviation proche d'Allende torturé à mort après le putsch.

Le fils cadet de Pinochet Marco Antonio a déploré l'absence de telles funérailles pour son père qui, selon lui, "s'était totalement engagé pour le pays et l'avait sorti d'un chaos indescriptible".
Le fils cadet de Pinochet Marco Antonio (g), accompagnée d'une de ses filles, auprès du cercueil de son père à Santiago le 11 décembre 2006 - AFP

La fille de Salvador Allende, Isabel, a applaudi la décision de Mme Bachelet de refuser les obsèques nationales en rappelant que Pinochet était un "dictateur" qui s'était proclamé président en manipulant la Constitution. "Le général a trahi son serment, a trahi le président Salvador Allende et a toujours affiché son incapacité à se repentir", a-t-elle déclaré.

Le général Pinochet avait été nommé chef de l'armée par le président socialiste Salvador Allende trois semaine avant son coup d'Etat.

Près de 30.000 Chiliens ont été torturés sous la dictature, tandis que 3.000 sont morts ou disparus.

La dépouille de l'ex-dictateur sera remise à la famille pour être incinérée au crématorium du Cimetière du Parc du Souvenir. Les cendres seront ensuite transportées jusqu'à la propriété familiale de Los Boldos sur la côte chilienne, un endroit où le vieux général passait l'été austral.

L'ancien dictateur est mort dimanche matin à la suite de multiples crises cardiaques. Il avait été admis à l’hôpital une semaine auparavant après un infarctus du myocarde et un œdème pulmonaire.